vendredi 9 mai 2014

Flash Back sur évolutions de la Directive 2001/20/CE - Rencontres de la Recherche Clinique 2011

Voici ce que je présentais à la tribune des rencontres nationales de la recherche clinique en octobre 2011 au sujet de l'évolution de la Directive européenne sur les essais de médicaments (2001/20/CE). Je commentais alors le concept paper SANCO/C/8/PB/SF D(2011) 143488, 09/02/2011.

Synthèse portant sur les évolutions de la réglementation européenne sur les Essais Thérapeutiques #2001/20/CE © Intelligence in Life 2011 - Introduction : Loi JARDE -

[concept paper submitted for public consultation réf. SANCO/C/8/PB/SF D(2011) 143488, 09/02/2011]

1. Allons-nous vers une déclaration unique de l’essai clinique ?
2. Limitation du champ d’application de la Directive par extension de la définition des essais «non-interventionnels »
3. I.M.P. : Investigational Medicinal Product / I.P. / Auxilary Medicinal Products – Directive 2001/83/EC
4. Multiple Sponsoring – Promoteurs Multiples : joint / share / co-
5. Degrés de risqué et assurance
6. Essais dans le tiers monde / EudraCT et publication EudraPharm
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1. Allons-nous vers une déclaration unique de l’essai clinique ?
Aujourd’hui le même dossier est soumis aux autorités compétentes dans tous les états membres concernés par l’essai. Cela crée des distorsions dans l’analyse de ces dossiers et entraîne des coûts répétitifs.

Dans l’affirmative les options possibles seraient les suivantes :
a. Soumission unique et  avis séparés. Un portail tenue par l’EMA, permettrait une soumission unique et distribuerait le dossier par états et autorités compétentes nationales concernés par l’essai. L’avantage d’une telle solution serait la réduction du volume de travail administratif des promoteurs.
b. Avis centralisé (EMA). Dans ce cas, le dossier serait adressé à un comité scientifique central composé de représentants de tous les pays membres. Il y a là une analogie avec l’A.M.M. centralisée au niveau de l’E.M.A..
c. Soumission Unique avec « Coordinated Assessment Procedure » (CAP) – sous délai de 60 jours maximum. Il y a analogie avec la procédure décentralisée pour l’A.M.M. Européenne.
CAP : un état membre serait désigné pour prendre le « lead » du CAP. Il apporte une approche flexible et les pratiques nationales sont prises en compte, en particulier les aspects éthiques. Le champ de compétences du CAP porterait sur les points suivants :
i. L’évaluation de la balance bénéfice/ risque, ainsi que la qualité du produit et l’étiquetage,
ii. Les aspects éthiques en ce qu’ils concernent la notice d’information et de consentement, les modalités du recrutement et la compensation financière,
iii. Les aspects locaux comme l’adéquation des sites d’investigation à l’étude, les qualifications des investigateurs (revue de CV) et les réglementations nationales en particulier celle portant sur la protection des données personnelles. Pas de centralisation de l'IEC car l'Europe n'est pas une zone géographique homogène au plan de l'éthique.
2. Limitation du champ d’application de la Directive par extension de la définition des essais «non-interventionnels »
Il s’agit d’élargir la définition des essais dits « non interventionnels ».
Les essais académiques/ non-commerciaux sortiraient du champ d’application de la Directive.

3 critères sont retenus pour la définition de ces essais :
a. Médicament en usage,
b. Pas de protocole clinique,
c. Pas d’intervention additionnelle par rapport au soin courant.

3. I.M.P. : Investigational Medicinal Product / I.P. / Auxilary Medicinal Products – Directive 2001/83/EC
Le terme Clnical Trial Supplies est également employé.
Les produits pour essais sont exclus des règles courantes concernant les médicaments. Ces produits sont régis par la Directive 2001/83/EC en son article 3. En pratique il n’est pas toujours aisé de différencier les IMP des non-IMP (produit comparateur, médication alternative ou traitement de fond). Par ailleurs, les réglementations nationales apportent des distorsions dans ces définitions. Il apparaît nécessaire de clarifier et harmoniser la définition de l’IMP.

4. Multiple Sponsoring – Promoteurs Multiples : joint / share / co-
Le promoteur unique peut rester la règle. Toutefois, est posée la possibilité d’ouvrir à la promotion multiple. Dans un tel cas, plusieurs options s’ouvriraient :
a. Promoteurs multiples,
b. Promotions conjointes,
c. Promotion partagée,
d. Co-Promotion.
Schémas dans lesquels chaque co-promoteur est responsable d’une partie de l’essai, de l’exécution de tâches déterminées.
La question de la responsabilité en cas de dommage est posée et s’évalue à la lumière des droits nationaux en la matière.
Exemple : l'EORTC à Brussels.
5. Degrés de risqué et assurance
La Directive 2001/20/CE prévoit que le promoteur couvre les risques de décès ou de dommages subis par les sujets en cours d’essai. Qu’ils soient pris en charge par une police d’assurance. Toutefois, il est notable que la sinistralité d’un essai donné dépend de plusieurs facteurs, dont les suivants :
a. Les pré-requis, les connaissances acquises sur le produit à l’essai,
b. Le degré d’interventionnel dans l’essai par comparaison avec la pratique courante,
c. Le type de population recrutée.
Les pistes de révision sont les suivantes :
1. Suppression de l’obligation d’assurance pour les essais à faible risque (sinistralité),
2. Possibilité d’indemnisation par les Etats Membres au besoin par la création d'un fond d'indemnisation. Le législateur européen semble vouloir responsabiliser les états membres sur les pratiques de leurs laboratoires pharmaceutiques ressortissants, sur leurs territoires et au-delà comme nous allons le voir sur le point suivant.
6. Essais dans le tiers monde / EudraCT et publication EudraPharm
Il s’agit de contrôler la qualité « éthique » des données utilisées dans les rapports d’études cliniques qui sont soumis en Europe pour l’obtention des AMM. En d’autres termes, l’UE souhaite avoir droit de regard a priori sur le respect de la « compliance » lorsque les essais sont réalisés dans des pays émergents extérieurs à l’Union.
La commission est mandatée pour assurer le respect des règles éthiques fondamentales (en particulier la Déclaration d’Helsinki – 1964, version 2000) partout ou se déroulent des essais qui ont pour finalité l’enregistrement du produit dans l’Union.
Il est envisagé de soutenir les efforts des pays émergents en la matière. Il s'agit là d'accompagner la délocalisation des essais de transferts de technologie tout en favorisant la coopération.
Le processus ICH dans sa phase d'évolution actuelle intègre des pays émergents (pays non ICH historiques) au-delà de la triade Europe-USA-Japon.

La question des « surveilleurs » ou « porteurs d’alerte »
Le ministre français du travail, de l'emploi et de la santé a présenté, avec la secrétaire d'Etat chargée de la santé, un projet de loi relatif au renforcement de la transparence et de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ce projet de Loi tire les conséquences du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales [RM2011-001P] et donne suite aux assises du Médicament qui se sont tenues l'été dernier.
L’existence de «porteurs d’alerte» a été évoquée par Madame Norra Berra au décours de ce projet de loi. Par ailleurs, la certification des logiciels d'aide à la prescription et à la dispensation est rendue obligatoire à compter du 1er janvier 2015.
Ce projet de Loi fut présenté le 1er août en Conseil des Ministres, il est en première lecture au Sénat depuis le 27 octobre. Il comporte 24 articles, il concerne particulièrement notre profession au Titre III – Chapitre 1er - Article 6. [modifie L.5121-8 et ajoute un L.5121-8-1 (essais phase IV].
Les points à retenir sont les suivants :
ANSM et/ou ASMPS,
déclaration des liens d'intérêts (HAS),
limitation de la VM (hôpital),
déclaration des évènements indésirables (PV et Phase IV),
régime des ATU.

Les CROs (Contract Research Organisations) ont-elles vocation à devenir des « porteurs d’alerte », des surveilleurs ?
Jacques Attali définit les « surveilleurs » comme des objets mis en place par des compagnies privées de sécurité, travaillant elles-mêmes pour des sociétés d’assurance privées qui veilleront à la régulation des comportements
Si oui, avec quels outils ? Et quels moyens ? Dans le cas de l'accident sanitaire français, c’est un médecin (personne physique) qui donna l’alerte, hors cadre réglementaire. Dans l’avenir, ces surveilleurs, possiblement institués par le droit, seront-ils : des personnes morales (CRO, cabinets experts, autorités indépendantes, des ONG) ? Des machines (systèmes d’information) ? Des personnes physiques (Moniteur & Auditeurs) ? Tout cela à la fois ? L’Europe s’inspirera t’elle du décret italien sur les  CROs pour faire évoluer la Directive 2001/20/CE en 2012 ?
[décret italien du 31 mars 2008 :  “Definizione dei requisiti minimi per le organizzazioni di ricerca a contratto (CRO) nell’ambito delle sperimentazioni cliniche dei medicinali”]
Prérequis / décret :
présence de médecins qualifiés et expérimentés,
10 jours de cours / an minimum pour chaque personnel,
Moniteur : 30 jours de training minimum sur le job OU qualification ad hoc. 50 % sur site.
→ Indépendance / Autonomie.

EXODUS
En février 2009, le nombre de molécules en développement clinique supervisé par la FDA avait augmenté de 52,6% sur les dix dernières années. En parallèle, le taux de recrutement des patients a significativement diminué (baisse de 21% entre 1999 et 2005) dans les pays traditionnels (Europe, États-Unis, Japon).
En 1990, 96% des médecins investigateurs principaux étaient basés aux USA. Ils n’étaient plus que 57% en 2007.
Le taux d’activité des sites investigateurs pour des recherches biomédicales a ainsi augmenté entre 2005 et 2007 de 47% en Chine, 19,6% en Inde et 33% en Russie. En 2011, environ 110.000 études cliniques sont en cours de réalisation à l’échelle planétaire et parmi ces études, environ 40% sont promues et menées par l’industrie pharmaceutique. [www.clinicaltrial.gov]
Les CROs qui travaillent pour ces laboratoires représentaient un marché de près de 24 milliards de dollars en 2010 c'est à l'échelle du marché français de l'industrie pharmaceutique. Le CA mondial de cette industrie et de 400 Milliards de dollars environs.
Dans le développement clinique, la conservation des centres d’intelligence consiste à remonter la chaîne de valeur de l’essai. Nous pouvons en conserver, grâce au TIC, ce qui en fait la valeur technologique, c'est-à-dire la conception des protocoles, l’analyse et le stockage sécurisé des données.
Une démarche visant à standardiser les flux de données des essais cliniques, permet d’accéder à  une « réalité augmentée », de mieux exploiter des données existantes, plutôt que dans générer de nouvelles. Limiter la production de données cliniques, c’est limiter à terme le nombre de participant à un essai, c’est réduire « l’empreinte éthique ».
Il s'agit d'amorcer une rupture technologique dans l'organisation même de la recherche clinique.

Conséquences sur l'évolution du développement clinique et métiers émergents
des territoires nouveaux “terra incognita”,  B.R.I.C.
l’importance de l’interculturel, notamment au plan éthique,
l’importance des technologies de l’information, les progiciels,
une réglementation internationale à repenser.
C’est l’outil de « business intelligence » on dit aussi datamining (Datamining : ensemble des techniques et de méthodes du domaine des statistiques, des mathématiques et de l'informatique permettant l'extraction, à partir d'un important volume de données brutes, de connaissances originales auparavant inconnues. Il s'agit de "fouilles" visant à découvrir "de l'information cachée" que les données renferment et que l'on découvre à la recherche d'associations, de tendances, de relations ou de régularités.) qui permet cela. L'intelligence économique en un triptyque : veille (acquérir l'information stratégique pertinente), protection des informations (ne pas laisser connaître ses informations sensibles) et influence (propager une information ou des normes de comportement et d'interprétation qui favorisent la stratégie).
Un système d’information global, l' E.R.P. (Enterprise Resource Planning).
E.R.P. = un progiciel + un intégré + un périmètre fonctionnel étendu
C’est-à-dire un logiciel qui permet de gérer l'ensemble des processus d'une entreprise, en intégrant l'ensemble des fonctions et flux de cette dernière comme la gestion des ressources humaines, la gestion comptable et financière, l'aide à la décision, mais aussi la vente, la distribution, l'approvisionnement, le commercial, etc.
Ainsi, l’on peut parler d'ERP lorsqu'on est en présence d'un système d'information composé de plusieurs applications partageant une seule et même base de données, par le biais d'un système automatisé, prédéfini et éventuellement paramétrable (grâce à un moteur de workflow).
Une telle solution permettrait d’augmenter la productivité des collaborateurs en opérations cliniques. Elle doit permettre de réduire de le temps de développement d’un médicament et ainsi de diminuer le budget du développement clinique qui représente des centaines de millions d’euros. L’intégration de l’ensemble de la chaîne métier sur un seul outil serait ainsi une innovation majeure.
La France et l’Europe ont toute la légitimité et la technologie requises pour être leader d’opinion dans ce secteur, pour un développement durable des produits de santé.
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CONCLUSION
Le développement des produits de santé sera durable s’il est écologiquement viable, c'est-à-dire s’il se fait avec une volonté de solidarité dans l’accès aux soins et aux progrès scientifiques.
S’il est économiquement équitable, c'est-à-dire s’il réduit les inégalités Nord/Sud en facilitant les transferts de technologies.
S’il est socialement éthique, c'est-à-dire s’il donne à chacun la capacité de se soigner [notion de « capabilités » selon Amartya SEN]. S’il est vivable pour les générations futures en évitant les accidents sanitaires d’ampleur mondiale.

Je vous remercie.
Yannick BARDIE

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