mercredi 22 mars 2017

SANTÉ & RECHERCHE MÉDICALE le sujet oublié par médias et candidats





LA SANTÉ UN FACTEUR DE SOUVERAINETÉ
ET
DE CROISSANCE POUR LA FRANCE


Notre système de santé solidaire est l’un des grands atouts de la France et l’un des fondements de notre pacte national. Il est aujourd’hui fragilisé par de nombreux maux qui mettent en danger sa pérennité.

82 % des médecins et 63 % des français estiment que le système de santé se détériore depuis 10 ans ! Rien d’étonnant quand on sait que l’assurance maladie est en déficit chronique. Les services d’urgence sont saturés et les déserts médicaux se multiplient. Et que dire de ces trop nombreux français qui renoncent à se rendre chez le dentiste ou à porter une prothèse auditive pour des raisons financières.

Pour 89% des Français, la santé devait figurer au rang des priorités politiques de l'élection présidentielle, au même titre que le pouvoir d'achat, devant même la réduction de la dette publique (enquête Harris Interactive-Mutualité Française, février 2012). Une priorité pourtant unanimement occultée par les candidats, estiment les trois quarts des citoyens.

Les Français se préoccupent d'autant plus de leur santé que le budget qu'ils y consacrent ne cesse de croître: 570 euros par individu et par an et plus de 1 200 euros après 60 ans (étude Sofinscope-Opinionway pour Métro, janvier 2012).

Ébranlée par l’affaire du Mediator, l’industrie pharmaceutique va devoir apprendre à communiquer sur elle-même et plus seulement sur ses produits. Le scandale du Mediator, la gestion de crise calamiteuse du laboratoire Servier n'auront pas contribué à améliorer une image des laboratoires historiquement chargée de suspicion. En janvier 2011, un sondage CSA-Le Parisien révélait qu'un tiers des Français n'a pas confiance dans les médicaments et que 40 % se méfient des autorités publiques de santé comme l'Afssaps ou l'Inpes (Muriel Jaouën, Stratégies Magazine n°1667).

Notre système de santé est aujourd’hui confronté à la révolution scientifique et technologique. Pour ne prendre que deux exemples, la télémédecine va permettre de mieux soigner mais aussi de faciliter la coordination de tous les personnels soignants autour du patient et les progrès de la génomique vont permettre de mieux prévoir les risques d’apparition d’une maladie et d’administrer des traitements adaptés aux caractéristiques de chaque patient. Au-delà des questions de financement, nous devons faire évoluer en profondeur notre système de santé pour intégrer ces innovations et en tirer le plus grand bénéfice : améliorer la prise en charge des patients, revoir l’organisation de notre système de soins pour tenir compte des possibilités offertes par la télémédecine, moderniser les établissements de santé comme les cabinets libéraux pour les mettre en réseau et leur donner les moyens d’évoluer, soutenir la recherche et les entreprises innovantes dans le secteur de la santé pour que la France soit en pointe en matière d’innovation médicale.

L’innovation touche aujourd’hui toutes les composantes de notre système de santé. Elle constitue une promesse formidable d’amélioration de la prévention des maladies - notamment grâce au développement des objets connectés -, comme de la prise en charge des patients : thérapies ciblées dans le domaine du médicament et médecine de précision adaptée à chaque malade, développement de la télémédecine pour améliorer la qualité des soins où que l’on soit sur le territoire, meilleure coordination des soins grâce aux échanges numériques entre professionnels... C’est également un élément décisif pour permettre à notre industrie de santé d’occuper une position de premier plan au niveau mondial, source de croissance et d’emplois. Nos dirigeants doivent veiller à prendre en compte la contribution du secteur de la santé à la richesse du pays dans l’ensemble des décisions qui affectent ses acteurs.

Le nouveau Président de la République pourra appuyer sur le levier de l’innovation pour améliorer l’efficacité des politiques de prévention. Dans le domaine médical, de nombreuses innovations - objets connectés, nouveaux outils de diagnostic – aident les Français à prévenir l’apparition de maladies et à mieux maîtriser leur progression. Certains patients en ALD sont ainsi en mesure de « gérer » leurs maladies grâce à l’utilisation d’outils technologiques, comme par exemple le suivi de la glycémie des diabétiques sur leurs smartphones. De nouveaux outils permettent également de suivre et d’évaluer le respect des traitements par les patients. Le défaut d’observance représente en effet une perte de chance pour les patients et coûte chaque année 9 Md€ 1 , ce qui représente plus du double du déficit de l’assurance maladie en 2016. Pour accélérer la diffusion de ces technologies essentielles pour améliorer la santé des Français atteints de maladies chroniques, l’assurance maladie pourrait associer une incitation financière à leur utilisation, dans des conditions à définir en lien avec les associations de patients et les professionnels de santé.

Pour le nouveau gouvernement qui s’installera aux manettes en mai 2017 s’offre la possibilité de faire de la e-santé un levier pour la modernisation et l’amélioration de la qualité de notre système de soins. Nous permettrons le déploiement rapide des objets connectés de santé, notamment pour un meilleur suivi de l’observance des soins à distance et nous déploierons l’analyse massive des données de santé en utilisant les nouvelles technologies de Big data et d’Intelligence Artificielle. Nous rendrons plus efficient le parcours de soins du patient grâce au développement de plateformes de services numériques. La M-Santé au niveau européen représentera un gisement d’économie de près de 100Md€ dans les années qui viennent.

La compétitivité de la recherche clinique française est à surveiller si l’on en croit la dernière enquête du LEEM sur le sujet. Encourager l’expertise clinique dans le soin comme dans la recherche qui favorise l’aide à l’implantation d’activités médicales ou chirurgicales spécialisées ou encore le conseil à l’élaboration de protocoles de recherches innovants tels que les schémas adaptatifs d'essai aptes à épargner des patients et donc à réduire l'empreinte éthique et le coûts du développement clinique, voilà une ambition possible et accessible au prochain ou à la prochaine Ministre de la Santé.

La France doit rester une référence en matière de dispositifs médicaux grâce à la mise en place d’équipements connectés et numériques (à statut de dispositifs médicaux à marquage CE) ;

Il nous faudra renouer avec l’excellence de la recherche pour qu’elle redevienne le fer de lance de l’innovation. C’est avec une recherche en santé française plus puissante, plus réactive, et avec la création effective de partenariats publics-privés (processus de décloisonnement de la recherche fondamentale et appliquée) que notre pays favorisera la création d’entreprises innovantes répondant aux défis de notre société. Le contrat Unique hospitalier en recherche clinique doit y concourir, comme il doit contribuer à l'émergence de véritables pôles intégrés de recherche clinique au seins des CHU.

La France, pour résister à la concurrence internationale, doit investir rapidement dans les traitements massifs de données de santé, à la fois au service de la recherche en santé publique ainsi qu’au plus près des professionnels et des patients, pour développer, dans le strict respect de la protection des données de santé et du secret médical, des outils individualisés d’aide au diagnostic et à la décision thérapeutique.

La France prend un retard qui, sans un effort rapide et important, ne pourra plus être rattrapé.

En Europe, pour que notre recherche reste compétitive, il conviendrait de remonter la chaîne de valeur de l’essai en développant des outils innovants particulièrement dans les TIC. Car d’ici à 2030, l’augmentation exponentielle des volumes de données, couplée à l’émergence de capacités de corrélation et d’analyse, donnera une puissance sans précédent aux réseaux connectés dans presque tous les endroits du monde. Nous entrerons alors dans l’ère des solutions de données, aujourd’hui limitées par le fait que les quantités de données accumulées dépassent la capacité des systèmes à les utiliser avec efficience. Dans les domaines des essais, l’apparition des bases de connaissances sera concomitante à la mise en relation (par chaînage) des bases de données cliniques, de pharmacovigilance et de monitoring. Cela permettra la détection de signaux d’alerte précoce et la possibilité d’une sécurité passive du développement clinique. Ce dernier, avec l’essor des schémas adaptatifs d’essais, se « tunnelisera » et se poursuivra tout au long de la vie du médicament ou du dispositif. Il est un scenario possible, dans un monde moins étatique, que celui dans lequel des ONG soient chargées de la surveillance par les autorités de tutelles (internationales, voir globales) par délégation de service public mondial. Elles leurs rendront compte et publieront à l’attention du public (essor de la transparence du monde pharmaceutique) et des assureurs (assurances maladie et assurances de responsabilité civile des laboratoires) des alertes, des statistiques, des scores du risque (iatrogénique, éthique, de conflit d’intérêts, etc...). Des agences de notations spécialisées... L’Europe y verra un moyen de renforcer sa position en misant sur ces puissances (douces). Dans cet emploi du « soft power », les ONG, des universités feront alliance pour faire face aux problèmes mondiaux en santé publique et dans le développement des produits de santé. Ne nous le cachons pas, la France et l’Europe, ont, en matière d’industrie pharmaceutique, un leadership à préserver dans certaines aires thérapeutiques, face à des émergents demain surpuissants que seront l’Inde et le Brésil.
Au-delà des intérêts particuliers, dans la recherche de solutions la France a toute capacité d’inventer ou de ré-inventer le système de santé solidaire de demain.




Yannick BARDIE, Msc, PhD Fellow

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